J’ai découvert qu’il était possible de faire de l’humanitaire tout en travaillant dans la logistique!

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A 29 ans, Marie-Linh Celis est Regional Supply Chain Coordinator pour le Comité International de la Croix Rouge (CICR) à Nairobi. Diplômée en 2011 de l’EPHEC, elle a fait des études en Commerce Extérieur, option Supply Chain.


En quoi consiste ton travail à la Croix Rouge ?

Le CICR est une Association complètement distincte des Croix-Rouge nationales que l’on connait. Elles  opèrent uniquement à l’intérieur de leurs frontières tandis que notre mandat est de venir aux besoins et de protéger les victimes directes de guerres ou de conflits violents partout dans le monde. Nous faisons en sorte que les Droits de L’homme Internationaux soient appliqués et que la dignité humaine soit respectée, que ça soit pour les citoyens, les réfugiés ou les détenus. Nous opérons présentement dans 80 pays différents. Ma fonction actuelle consiste à gérer quasi l’entièreté de la chaine logistique du HUB logistique pour l’Afrique de l’Est allant des forecasts/planning jusqu’à la livraison finale à l’exception des achats.

Quelle est la durée habituelle de vos missions ?

Travaillant dans des zones de conflits principalement, il est difficile psychologiquement d’y rester plus longtemps que 12 mois. Je suis à Nairobi depuis un an et ma prochaine mission sera à Juba, au Sud Soudan. Le niveau de responsabilité est différent à chaque fois.

Ton job actuel est-il très différent de tes jobs précédents ? Comment a évolué ton parcours professionnel ?

J’ai d’abord travaillé 5 ans dans le privé dans divers secteurs pour des grosses boites tels que Total, Beiersdorf (Nivea), C&A ou encore Schweppes avant de passer dans l’humanitaire. Bien que le métier de logistique reste le même, mon job actuel est extrêmement différent des précédents. Ce n’est pas le profit qui conduit l’organisme mais le nombre de bénéficiaires que nous pouvons atteindre et aider.

Cela change toute la dynamique du travail. Où toute entreprise regarde d’abord à minimiser les coûts, nous regardons avant tout quel impact humain nous pouvons avoir. Evidemment, minimiser les coûts, surtout en logistique, reste une priorité mais ce n’est pas la première. Encore moins en situation d’urgence où nous affréterons des avions sans hésiter si nécessaire, quel qu’en soit le coût.

Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de faire de l’humanitaire ?

En 3ème année à l’EPHEC, nous avons eu l’occasion de visiter plusieurs centres logistiques différents dont celui de MSF Supply. C’est durant cette visite très précisément que j’ai compris que je voulais faire de la logistique humanitaire.

« Où toute entreprise veille d’abord à minimiser les coûts, nous regardons avant tout quel impact humain nous pouvons avoir »

Marie-Linh Celis

Comment es-tu parvenue à travailler dans l’humanitaire ?

Rentrer dans le monde humanitaire n’est pas aussi facile qu’on ne le pense. Ils recherchent avant tout des profils très techniques et avec de l’expérience, chose que je n’avais pas en sortant de mes études. De plus, à cette époque, je n’étais pas encore prête psychologiquement pour me lancer sur le terrain directement et cherchais plutôt à travailler dans les entrepôts humanitaires existants en Belgique.

Je devais d’abord acquérir de l’expérience, c’est pourquoi je me suis d’abord lancée dans le privé. Je prenais consciemment des CDD pour acquérir un maximum d’expérience avant d’arriver dans l’humanitaire. Au bout de 5 ans, non seulement l’éthique du privé ne me convenait plus mais je me sentais enfin prête à partir sur le terrain. Après un refus en phase finale chez MSF Belgique, j’ai ouvert mon champ d’horizon et 6 mois plus tard je signais mon CDI auprès du CICR.

Comment l’évolution de ton parcours professionnel t’a-t-elle affectée au niveau personnel ? 

Le choix de l’humanitaire affecte totalement le niveau personnel. On quitte son pays, son entourage, sa zone de confort sans vraiment savoir si on reviendra un jour. Certains le font quelques années et finissent par rentrer. D’autres y prennent goût et en font une carrière. Pour moi, c’est une partie de poker constante. Sans parler du fait que nous travaillons dans des zones de conflits où tout peut basculer du jour au lendemain. La sécurité du staff est une priorité mais nous ne sommes jamais à l’abri à 100%.

Et puis le fait que nous bougeons régulièrement ne rend pas facile toutes relations privées. Certains trouvent leur partenaire dans le même secteur et bougent ensemble, d’autres pas.

Comment t’épanouis-tu dans ton travail aujourd’hui ? 

Je pense que peu importe la situation privée, l’épanouissement que nous trouvons dans notre type de travail prime avant tout. Aujourd’hui, j’exerce le métier qui me passionne tout en me rendant utile, en ayant un impact humain positif. Pour moi, aider l’autre nous donnera toujours un sentiment d’accomplissement bien plus grand que de dire « cette année, on a augmenté le chiffre d’affaire de 6% », par exemple. Est-ce que ce type de choix vient avec certains sacrifices ? Oui. Est-ce que ces sacrifices en valent la peine ? Oui, aussi.

Sonia Romero Ruiz